Peu d’arrêts d’appel (peut-être même aucun à notre connaissance) ne traitent des conséquences d’une grève des contrôleurs aériens. Il est vrai qu’un tel mouvement social échappe au contrôle des compagnies aériennes. Néanmoins, ces dernières peuvent avoir tendance à « surfer » sur ces grèves qui, parfois, ne sont pas particulièrement intenses pour annuler des vols et justifier le refus d’indemnisation des passagers.
Le 18 novembre 2020, la cour d’appel de Toulouse a rendu un arrêt très attendu à ce sujet. La compagnie concernée était la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY. Cette dernière avait dû annuler un vol Toulouse-Lisbonne du fait d’un mouvement de grève des contrôleurs aériens. Les passagers ont simplement obtenu le remboursement de leur titre de transport. Certains d’entre eux, estimant que leurs droits avaient été bafoués, ont alors sollicité une plus ample indemnisation mais la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY a refusé cette demande, estimant que le mouvement social lui échappait. Cette position ferme n’a pas ébranlé les demandeurs qui ont saisi le tribunal d’instance de Toulouse, lequel les a déboutés de toutes leurs prétentions, suivant l’argumentation de la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY. Ces derniers ont tout de même choisi d’interjeter appel de cette décision.
Au préalable, un débat procédural inutile a été initié par la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY quant à la recevabilité de l’appel. Cette compagnie aérienne, pourtant représentée par un des meilleurs avocats de la place parisienne, a « oublié » que le délai d’appel court à compter de la signification, ce qui rendait alors ledit recours recevable[1].
En revanche, sur le fond, la solution n’allait pas manquer d’intérêt puisque, comme indiqué ci-dessus, assez peu d’arrêts se sont prononcés sur les grèves des contrôleurs aériens. A priori, elles échappent au contrôle des compagnies aériennes, lesquelles semblent donc bien fondées à s’en prévaloir. Néanmoins, notre cabinet d’avocats avait obtenu un jugement plutôt positif à ce sujet devant le tribunal d’instance d’Illkirch-Graffenstaden. Le juge avait compris notre positionnement selon lequel lesdits mouvements sociaux n’étaient pas homogènes et qu’il fallait prendre en compte leur intensité. Il en est allé différemment devant la cour d’appel de Toulouse qui a rendu un arrêt potentiellement critiquable : la grève des contrôleurs aériens n’a affecté ni l’aéroport de Toulouse (lieu de départ du vol), ni celui de Lisbonne (lieu d’atterrissage de l’aéronef) mais… celui de Marseille !
Toutefois, la cour d’appel de Toulouse a pu motiver son arrêt sur ce point, indiquant :
« Cet événement a nécessairement affecté les vols aux départs d’autres aéroports que celui de Marseille puisqu’il a eu pour effet de bloquer certains aéronefs ; la compagnie Ryanair justifie d’ailleurs de cette circonstance par la copie d’une capture d’écran du plan de réseau d’Eurocontrol du 23 juin 2018 qui mentionne que « la grève des contrôleurs aériens affectant l’aéroport de Marseille aura probablement un impact important sur l’axe sud ouest’. ».
Les passagers reprochaient également à la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY de ne pas leur avoir proposé un réacheminement adapté. La Cour a également rejeté leur thèse au terme d’une argumentation dense et inattaquable. Elle a estimé que la possibilité d’un réacheminement avait bien été proposée par la compagnie aérienne qui l’a rejetée. De surcroît, en acceptant le remboursement, lesdits passagers ont opéré un choix assez clair et ils ne peuvent donc pas solliciter de frais de réacheminement.
Nous verrons si cet arrêt, très intéressant et important, fera l’objet d’un pourvoi.
[1] Cour d’appel de Nancy, 2e chambre civile, 28 mars 2013, Répertoire Général : 11/00953, Monsieur Nicolas BRUNIAS c/ Madame Michèle NODARI épouse GABRIEL, Madame Martine DE PAOLI épouse BRUNIAS, Monsieur Philippe BRUNIAS