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Retour sur le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 9 juillet 2024 : un utile rappel des règles sur le remboursement des vols secs

29 juillet 2024


Pour les personnes désireuses de récupérer le coût de leurs trajets aériens annulés, il convient de se rappeler d’une règle stricte : en cas de vol sec, même acheté auprès d’une agence de voyages, c’est uniquement au transporteur aérien effectif que le passager doit s’adresser pour obtenir compensation en cas de non-exécution des obligations prévues par le règlement européen[1].

 


Une affaire, jugée le 9 juillet 2024 par le tribunal judiciaire de Lille, est, en cela, particulièrement instructive : en effet, une association sportive locale avait réservé de nombreux billets d’avion auprès d’un transporteur aérien effectif, par le truchement d’une agence de voyages (la SA VIATICUM).

 


Du fait de la pandémie, les vols ont été annulés. L’association a alors réclamé le remboursement des billets. Après quelques mises en demeure, l’agence de voyages a adressé un chèque à sa cliente qui ne mentionnait pas l’exact montant déboursé par l’association. Cette dernière, lassée par cette attente, a donc décidé de saisir le tribunal
judiciaire de Lille par assignation adressée non seulement à la compagnie
aérienne en charge des vols (la société VUELING AIRLINES SA) mais également à
l’agence de voyages.

 


La société VUELING AIRLINES SA a soulevé l’incompétence du tribunal judiciaire de Lille, visiblement au profit de celui de Créteil. Mais il semblerait qu’elle n’a pas été mise en exergue avant toute défense au fond, incitant le tribunal judiciaire de Lille à la rejeter.

 


Néanmoins, à notre sens, cette juridiction-ci a commis une erreur en écrivant : « le client d’une prestation de service peut faire attraire un professionnel devant la juridiction de son domicile. ». En effet, le contrat de transport, qui ne prévoit pas, à titre forfaitaire, le
transport et l’hébergement, ne suit pas les règles de compétence applicables aux contrats de consommation (Règlement Rome I, article 15§3)[2]. Ainsi, outre le siège social du transporteur, il est uniquement possible de saisir la juridiction du lieu de départ ou celle du lieu de destination finale du vol. L’article R. 631-3 du Code de la consommation ne peut plus être utilement invoqué[3]. Dans le cas d’espèce, il semblerait que les passagers devaient décoller de l’aéroport d’Orly. Dès lors, le juge n’a pas considéré les dispositions précitées.

 


La suite de son jugement est plus logique : il condamne le transporteur aérien effectif à rembourser le reliquat dû à l’association ainsi que des dommages-intérêts conséquents pour résistance abusive.

 


En revanche, l’association est déboutée de son action à l’encontre de l’agence de voyages et doit même lui payer une somme de 800 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

 


Enfin, on notera très accessoirement que la SA VIATICUM est en liquidation judiciaire depuis le 21 septembre 2023.

 


On ne peut, dès lors, que s’étonner qu’au cours de la procédure devant le tribunal judiciaire de Lille, elle n’a pas été représentée par un liquidateur judiciaire.





[1] Cécile PELLEGRINI, Conflit de juridictions. –Contrat de transport. – Transport aérien. – Règlement Bruxelles I. – Directive Voyages à forfait. – Règlement (CE) n° 261/2004 . –Retard important d’un vol. – Contrat de transport combiné à un hébergement conclu entre le passager et un organisateur de voyages. – Action en indemnisation dirigée contre le transporteur aérien non partie à ce contrat. – Compétence judiciaire. – Matière
contractuelle et conclusion d’un contrat. – Obligation librement assumée d’une partie envers une autre. – For du consommateur exclu.
, Journal du droitinternational (Clunet) n° 1, Janvier-Février-Mars 2021, comm. 6


[2] Cour d’appel de Versailles, 1re chambre, 2e section, 9 octobre 2018, Répertoire Général : 18/01212 ; Cour d’appel de Versailles, 14e chambre, 14 décembre 2017, Répertoire Général : 17/06701 ; Cour d’appel de Versailles, 14echambre, 24 novembre 2016, Répertoire Général : 16/02721 ; Cour d’appel de Versailles, 14e chambre, 13 octobre 2016, Répertoire Général : 16/02200 ; Cour d’appel d’Amiens, 1re chambre civile, 17 décembre 2015, Répertoire Général : 15/02216 ; Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11e chambre A, 6 octobre 2015, Numéro de rôle : 15/02099, Numéro : 2015/488 ; Ghislain POISSONNIER et Pascal DUPONT, Quelles règles de compétence territoriale appliquer en matière d’indemnisation des passagers aériens pour retard ?, La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 20, 18 mai 2017, 1266


[3] Ronny KTORZA, Compétence territoriale en matière d’application des dispositions du règlement 261/2004 : le rappel superfétatoire de la CJUE, Énergie – Environnement – Infrastructures n° 6, juin 2018, comm. 36