La Cour de justice de l’Union européenne vient de rendre un nouvel arrêt inhérent à l’application des dispositions du règlement n° 261/2004 et, plus précisément, aux questions de compétence territoriale.
La question préjudicielle posée était, en l’espèce, particulièrement subtile : en effet, les sociétés spécialisées dans le recouvrement des créances des passagers sont désormais légion dans un contentieux ayant de plus en plus le vent en poupe (même si la crise sanitaire actuelle risque d’avoir des répercussions négatives). Elles exercent ainsi des actions judiciaires en lieu et place des passagers victimes de retards, d’annulations ou de refus d’embarquement.
Dans le cas nous intéressant, une société de recouvrement de créances polonaise avait attrait la société RYANAIR DESIGNATED ACTIVITY COMPANY devant une juridiction polonaise. La compagnie aérienne lui oppose ses conditions générales qui rappellent la compétence des juridictions irlandaises en cas de litige. Bien sûr, la société de recouvrement de créances pourrait opposer que de telles conditions ne sont pas applicables dans le cadre d’un contentieux avec un consommateur sauf que… le procès oppose désormais deux entreprises commerciales, ce qui pourrait effectivement rendre ces conditions générales opposables au cas d’espèce.
La problématique juridique ne manquait donc pas d’intérêt.
Néanmoins, la Cour de justice de l’Union européenne va répondre à cette question de manière simple et logique : en devenant cessionnaire de la créance des passagers, la société de recouvrement de créances n’a pas nécessairement agréé à la clause attributive de compétence juridictionnelle.
Le 7 février 2013, la Cour de justice de l’Union européenne avait déjà rendu (dans un tout autre domaine) un arrêt Refcom rappelant qu’une clause attributive de compétence n’était pas opposable au tiers sous-acquéreur[1].
Cet arrêt est rappelé dans le cas présent : le juge a l’obligation d’examiner si la clause attributive de juridiction a fait l’objet d’un agrément du cessionnaire. En l’espèce, une certaine marge de manœuvre est donc laissée par la Cour de justice de l’Union européenne aux juridictions nationales qui ont pour rôle de vérifier le consentement dudit cessionnaire.
La Cour ajoute également qu’originellement, une telle clause entre un professionnel et un consommateur peut être regardée comme abusive sur le fondement de la directive 93/13, laquelle a vocation à s’appliquer dans tous les secteurs d’activité économique[2].
La Cour incite fortement la juridiction de renvoi à analyser ce point précis.
Au final, la Cour de justice de l’Union européenne adopte une position prudente même si elle semble clairement inviter la juridiction polonaise à écarter l’application de cette clause dans le cas d’espèce.
[1] Ségolène BARBOU DES PLACES et Anne-Sophie CHONÉ-GRIMALDI, Application du droit de l’Union européenne par la Cour de cassation - . – (septembre 2014 – mars 2015), Europe n° 6, juin 2015, chron. 2
[2] Carole AUBERT DE VINCELLES, Chronique de droit européen des contrats - . – (1er janvier – 31 décembre 2017), Contrats Concurrence Consommation n° 5, mai 2018, chron. 2