Le rappel utile de la Cour d’appel de Nîmes : la compagnie aérienne doit scrupuleusement vérifier si les passagers peuvent valablement atterrir à leur lieu de destination
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DROIT AERIEN
10/12/20254 min temps de lecture
La Cour d’appel de Nîmes a eu à juger un cas relativement intéressant le 11 septembre 2025. En l’espèce, un passager avait réservé un vol aller-retour à destination de Moscou par le truchement d’une agence de voyages en ligne mais, à son arrivée, les autorités russes lui avaient refusé l’entrée sur leur territoire du fait des mesures sanitaires mises en place dans le cadre de la pandémie de COVID-19.
Ledit passager a alors sollicité le remboursement de l’intégralité des frais infructueux exposés mais, n’ayant pas eu gain de cause, il a assigné l’agence de voyages et la compagnie aérienne devant le tribunal judiciaire d’Avignon qui l’a débouté.
Un appel a alors été interjeté devant la Cour d’appel de Nîmes et le débat s’est ainsi poursuivi devant cette juridiction.
La question de la compétence territoriale s’avérait être épineuse. Il est notoire que, lorsqu’un passager aérien agit sur le fondement du règlement n° 261/2004, le demandeur peut saisir, à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur ainsi que celles des lieux de débat et de destination, ces dernières étant qualifiées, pour les contrats de transport aérien, de lieu d’exécution de l’obligation par la Cour de justice (9 juillet 2009)[1]. Le principe de primauté du droit de l’Union européenne sur le droit interne implique d’écarter les dispositions de droit interne qui seraient contraires à ce droit supranational, telle que l’option offerte au consommateur de la juridiction du lieu de son domicile[2].
Néanmoins, la Cour d’appel de Nîmes écarte les dispositions du droit européen et notamment celles inhérentes au règlement UE n° 1215/2012 du Parlement et du Conseil du 12 décembre 2012 qui posent une exception pour la compétence territoriale en matière de contrats de transport.
Selon la juridiction, l’action du passager est fondée sur les dispositions de l’article L. 6421-2 du Code des transports aux termes desquelles le transporteur ne peut pas embarquer les passagers pour un transport international qu’après justification qu’ils sont régulièrement autorisés à atterrir au point d’arrivée et aux escales prévues. Aucune compétence territoriale particulière n’est prévue en pareil cas.
Il convient de noter que le non-respect de cet article peut déboucher sur le paiement d’une lourde amende par la compagnie aérienne. Plusieurs sociétés en ont d’ailleurs fait les frais[3].
En l’espèce, la Cour d’appel de Nîmes a confirmé que le passager pouvait bien saisir le tribunal de son domicile, rejetant ainsi l’exception d’incompétence soulevée par la SA SOCIÉTÉ AIR FRANCE.
Sur le fond, la juridiction note le désagrément (qu’elle qualifie de « grave ») pour le passager qui s’est déplacé inutilement en Russie et condamne le transporteur aérien et l’agence de voyages à lui verser la somme de 2000 € au titre du préjudice moral (outre la prise en charge du dommage matériel).
En revanche, les frais, supportés par le passager durant son court séjour (une journée) en Turquie, ne lui seront pas restitués car ils n’entreraient pas dans le champ des sommes à la charge de la compagnie aérienne.
Une lourde indemnité au titre des frais irrépétibles (4000 € au total) doit également être versée au passager.
[1] Cour d’appel de Colmar, 3e chambre civile, section A, 27 mars 2017, Répertoire Général : 15/06309, Numéro : 17/0297
[2] Olivier CACHARD, Conflit de juridictions. – Règlement Bruxelles I. – Compétence internationale. – Compétence territoriale . – Inapplication des règles protectrices du consommateur. – Transport international aérien de passagers. – Indemnisation forfaitaire du retard., Journal du droit international (Clunet) n° 4, octobre-novembre-décembre 2017, 17
[3] Tribunal administratif de Paris, 3e section, 1re chambre, 4 février 2025, Numéro de requête : 2305369, Numéro de rôle : 197845 ; Cour administrative d’appel de Paris, 4e chambre, 21 juin 2024, Numéro de requête : 23PA00871 ; Cour administrative d’appel de Paris, 4e chambre, 18 novembre 2022, Numéro de requête : 21PA00248 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 18 juin 2019, Numéro de requête : 16VE02909, Numéro de rôle : 19090 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE00749, Numéro de rôle : 19056 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE01064 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE00299, Numéro de rôle : 19056 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE00750 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE02158 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE01063 ; Cour administrative d’appel de Versailles, 4e chambre, 7 mai 2019, Numéro de requête : 17VE00300, Numéro de rôle : 19056 ; Cour administrative d’appel de Versailles, Chambre 4, 6 octobre 2015, N° 14VE01916 ; Cour administrative d’appel de Versailles, Chambre 4, 21 juillet 2015, N° 14VE01195 ; Cour administrative d’appel de Versailles, Chambre 4, 21 juillet 2015, N° 14VE01040 ; Cour administrative de Paris, Chambre 4, 10 juin 2014, N° 13PA02069 ; Cour administrative de Paris, Chambre 4, 8 octobre 2013, N° 12VE04172 ; Cour administrative de Paris, Chambre 4, 8 octobre 2013, N° 12VE03131
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