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Aides publiques à Air France : quelles conclusions en tirer ?

30 septembre 2020

Nous avions précédemment insisté sur le fait que le secteur du transport aérien faisait face à une grave crise de trésorerie pouvant déboucher sur des faillites de compagnies aériennes. Et des dégats ont déjà eu lieu puisque Flybe a plié bagage, tout comme quatre filiales de Norwegian.

Les compagnies aériennes ont donc « solidairement » appliqué une stratégie illégale : ne pas rembourser, en violation du règlement n° 261/2004, le prix des billets déboursé par leurs passagers, même lorsqu’elles sont à l’initiative des annulations.

Évidemment, les consommateurs et les associations les représentant ne l’ont pas entendu de cette oreille et ont alors mis en demeure ces compagnies récalcitrantes.

Air France fait partie des mauvais élèves. Mais cela ne l’a pas empêché d’obtenir une aide colossale de l’État français.

Air France a obtenu un prêt garanti par l’État d’un montant de 4 milliards d’euros octroyé par six banques, ainsi qu’une avance directe de l’État français qui, rappelons-le, demeure actionnaire minoritaire du groupe Air France-KLM à hauteur de 14,3%. Cette avance s’élève à 3 milliards d’euros.

Le ministre de l’économie a au moins eu le mérite d’écarter toute idée de nationalisation : ceux qui prônaient cette solution semblent avoir oublié, qu’alors que le capital de cette société appartenait encore à l’État, cela n’a pas empêché cette dernière de frôler la faillite au début des années 1990. La privatisation a sauvé Air France et, grâce à la fusion avec KLM (qui aurait évidemment été inenvisageable si Air France était demeurée dans le giron de l’État), elle est devenue la cinquième compagnie mondiale en termes de chiffre d’affaires.

Toutefois, plusieurs observations méritent d’être relevées.

1°) La première observation est que, finalement, l’État crée des barrières à la concurrence en soutenant des compagnies bien installées comme Air France. D’autres sociétés de transport aérien, comme Aigle Azur ou XL Airways, n’ont pas bénéficié des mêmes largesses, ce qui laisse augurer de la réalité de l’application du principe de libre-concurrence en France.

2°) Le transport aérien a certes été libéralisé au profit de passagers qui apprécient de plus en plus la multiplication du choix proposé, la baisse des prix et l’augmentation de la qualité de service (l’introduction des films dans les vols long-courrier et dans certains trajets moyen-courrier). Néanmoins, de puissantes barrières réglementaires - autres que les subventions susvisées – persistent, favorisant souvent les compagnies déjà bien installées, comme le « droit du grand-père », à savoir les créneaux horaires dont ces dernières disposent.

3°) Les compagnies, outre ces réglementations, font également face à des charges très lourdes, accentuées par les dispositions du règlement n° 261/2004. Elles doivent verser de substantielles indemnités aux passagers aériens, subissant ainsi une législation européenne qui leur est très défavorable.

Les dernières mesures gouvernementales s’annoncent comme des pansements inefficaces sur des plaies que les pouvoirs publics ont contribué à créer.

Ne serait-il pas plus simple de combattre le problème à la racine en allégeant la réglementation et les charges pour tout le monde afin d’éviter de devoir renflouer significativement certaines compagnies arbitrairement sélectionnées tout en en laissant d’autres sur le carreau ? Les gouvernements ont malheureusement la fâcheuse tendance à alourdir les pesanteurs avant de prendre des mesures urgentes et mal taillées quand les problèmes surviennent, supprimant, par la même occasion, l’essence même du principe de responsabilité, Air France sachant pertinemment que l’État français ne la laissera jamais mourir.

Ces points seront développés ultérieurement dans d’autres articles.